mardi 24 juillet 2012

Le Paternalisme est mort ! Vive le... Rien...

C’était au temps où entreprise et paternalisme allaient souvent de pair,

C’était au temps où les entrepreneurs n’étaient pas que des managers,

C’était au temps où les objectifs n’étaient pas que financiers,

C’était au temps, pas si lointain, où le métier de chef d’entreprise ne consistait pas seulement à amasser de l’argent,

C’était au temps où l’Homme était l’élément essentiel de l’entreprise....


En ce temps-là, en 1974, Camille, jeune chef d’entreprise, prenait le risque d’embaucher un marginal avec l’espoir un peu fou, peut-être inconscient, d’en faire ce qu’il estimait être un « type bien ».

Le roman de Michel Courage, Le monde merveilleux de Camille, entrepreneur paternaliste, est inspiré d’une histoire vécue, d’une « histoire d’hommes » passionnante et haletante, qui nous montre par contraste avec la situation actuelle comment, en quelque trente années, nous avons complètement oublié la vraie vocation de l’entreprise qui était et aurait dû rester de faire grandir les hommes.



dimanche 15 mai 2011

Projet, objectif, vision, idéal : Le bonheur au travail

Quand les grands médias nous parlent d'une étude récente qui aurait montré que 45 % des français se disent prêts à quitter leur emploi s'ils en avaient la possibilité, parler de "Bonheur au travail" peut sembler incongru !

Pourtant, on peut peut-être penser que cette même étude laisse entendre que 55 % des sus-dits français se sentent bien dans leur emploi... Mais ça, c'est beaucoup moins "vendeur" pour les journaux !


Mais qu'est-ce que le bonheur ?

Les définitions abondent ; personnellement, je retiendrais une définition américaine qui, à défaut d'être romantique est tout à fait pragmatique :

Le bonheur, c'est la réalisation progressive d'objectifs valables et prédéterminés.

Donc, pour qu'il y ait bonheur, il faut qu'il y ait eu préalablement Objectif (but, idéal, vision...), ce qui rejoint parfaitement la Loi naturelle : L'homme est un être tendu vers un but !




"Quiconque porte dans le coeur une cathédrale à bâtir est déjà vainqueur" (Saint Exupéry)

Lorsque la Loi naturelle est respectée, l'homme peut prétendre au bonheur !

Le chef d'entreprise qui sait faire partager sa vision (son objectif, son but, voire son idéal) à ses collaborateurs donne du bonheur à ceux-ci et fait progresser, et prospérer l'entreprise.

Le salarié, dans l'immense majorité des cas, ne demande qu'à adhérer à la vision devenue collective (désir d'appartenance de Maslow); encore faut-il que cette adhésion lui soit (sainement) proposée !

Le meilleur exemple de ce qu'il ne faut pas faire nous est probablement fourni par la S.N.C.F.: Je ne me souviens pas d'avoir jamais vu un patron visionnaire dans cette entreprise nationale. Les salariés, à défaut de pouvoir adhérer à une vision collective se sont donc créé leurs propres objectifs (parce que l'homme ne peut pas vivre sans objectifs), ou plus précisément, ont adhéré à des objectifs corporatistes qui leur ont été subtilement proposés par certains d'entre eux, regroupés dans des syndicats. Pour en arriver à attenter périodiquement (pour défendre leurs objectifs) à ce qui devrait être la vocation de l'entreprise : La libre circulation de ses clients !

Si le chef ne propose pas d'objectif valable, le salarié ira en chercher un, ailleurs !

A l'inverse, on raconte qu'il y eu un jour un patron visionnaire dans une grande entreprise d'aéronautique : Celui-ci réunit un jour ses directeurs pour leur demander de réfléchir à ce que l'entreprise pourrait proposer de neuf à ses clients. Chaque directeur y alla de sa proposition : On pourrait raccourcir le fuselage de tel avion, améliorer le confort des sièges, etc. Après les avoir laissé s'exprimer pendant un long moment, le patron visionnaire reprit la parole et dit :

- Toutes vos propositions sont intéressantes et on va les appliquer ; mais il nous faut quelque chose de plus marquant, de plus fort ! Moi, je sais ce que l'on va faire !

Les directeurs tendirent l'oreille avec impatience...

- On va faire Paris - New York en 3 heures !

Ils se mirent tous à hurler que cela était impossible !

Pourtant, ils l'ont fait et c'est ainsi qu'est né Concorde !

Une belle entreprise qui n'a cessé de donner du bonheur, même si l'histoire s'est mal terminée, aux salariés de l'Aérospatiale, aux personnels des Compagnies clientes, aux usagers et même au public.

De belles histoires comme celle-là, il s'en produit tous les jours, même si on n'en parle pas souvent dans la presse, dans nombre d'entreprises, particulièrement les PME où la distance entre le patron et les salariés reste "humaine", entreprises qui emploient probablement les 55 % de salariés que nous évoquions plus haut...

Pour les 45 % restants, si votre Patron n'est pas capable de vous proposer un objectif valable, s'il n'a pas de Vision... Quittez-le ! Vite !

Et fixez-vous vos propres objectifs !

"L'Homme appartient à l'endroit où il veut aller !" Werner Von Braun

lundi 25 avril 2011

Je dénigre, donc je suis !

J'ai assisté il y a quelques années à un débat houleux, dans un journal de province, entre quelques vieux journalistes, épris de déontologie et soucieux de vérité et un groupe de jeunes journalistes pour qui ne comptait que le nombre de lecteurs qu'ils pouvaient apporter au journal.

- On ne peut pas écrire cela sur Untel, disaient les vieux,

- Mais si ça fait augmenter le tirage, rétorquaient les jeunes...

Je crois bien que les jeunes ont gagné qui cherchent toujours à appuyer là où ça fait mal, qui n'hésitent pas à sortir une phrase de son contexte pour flatter les plus bas instincts des lecteurs avides de sensationnel, qui font et défont des réputations et qui ont oublié la nécessité, pour vivre en collectivité, du respect de l'autre.

Ainsi, on nous assène chaque jour de prétendus scoops, rarement vérifiés, que l'on n'hésite pas à démentir sans le moindre complexe le jour suivant ; peu importe, le mal est fait... Et il en restera toujours quelque chose !

Ainsi, on fait courir des rumeurs, peu ou pas fondées, sans se soucier des dégâts qu'elles peuvent causer...

Ainsi, on nous concocte des journaux télévisés dont les dix ou quinze premières minutes (30 à 50 % du journal) sont exclusivement consacrées à des faits divers, sordides si possible, avec, les grands jours, moult cadavres encore chauds exposés à la vue de tous... Et tant pis si les enfants ne sont pas encore couchés !

"Je pense, donc je suis" disait Descartes !

"Je dénigre, donc je suis" pourraient dire nombre de nos jeunes journalistes !

mercredi 13 octobre 2010

Défendre ses droits !

La manifestation du 12 octobre 2010 pour la retraite à 60 ans :



Les manifestants hurlent sous mes fenêtres pour défendre Leur retraite et je peine à entendre Abouh qui pourtant crie dans son téléphone, depuis le Cameroun, pour m’expliquer que sa mère est malade.

Sans doute ont-ils oublié que la liberté de chacun s’arrête où commence celle des autres !

Abouh me demande de lui envoyer de l’argent pour pouvoir hospitaliser sa mère ou, au moins, pour lui acheter des médicaments.

Je réponds par la négative à Abouh et lui suggère de voir autour de lui si quelqu’un ne peut pas le dépanner…

- Mais tu ne te rends pas compte, me dit-il, comme c’est dur ici !

Je me souviens qu’il m’a déjà expliqué que, même sans argent, il préférait résider en France plutôt que dans son pays :

- En France, me disait-il, si je tombe sur le trottoir, il y aura toujours un SAMU pour me ramasser ; au Cameroun, je pourrais crever sans que personne ne s’en soucie ! Si tu n’as pas d’argent, tu ne peux pas te faire soigner…

Les manifestants ajoutent les sirènes aux hurlements ! Ils sont comme des enfants gâtés qui font une colère parce qu’on tente de leur retirer leur jouet…

Pourtant ils n’ont jamais rien fait pour construire leur retraite, rien d’autre que de périodiques manifestations ; ce sont leurs parents - en travaillant beaucoup plus de 35 heures par semaine dans des conditions de pénibilité qu’on ne connait plus aujourd’hui - qui ont construit cet avantage extraordinaire (parce qu’il ne bénéficie qu’à une toute petite partie de la population mondiale) et ils se dissimulent qu’ils vont en faire supporter le coût à leurs enfants qui, eux-mêmes, n’en bénéficieront pas à cause des années perdues à trouver leur premier emploi (L’âge moyen du premier emploi se situerait aujourd’hui autour de 27 ans).

Abouh continue de hurler dans son téléphone que si je ne l’aide pas, sa mère va mourir

C’est pourtant une forte femme, sa mère, une maîtresse-femme même qui dirige sa maisonnée avec efficacité ; pas une femme libérée, non, ça n’existe pas au Cameroun, mais pourtant c’est bien elle qui prend les décisions dans le foyer.

La manifestation s’éloigne et j’accepte d’envoyer un peu d’argent à Abouh…

Ce soir, à la télévision, on déversera des flots de compassion sur ces pauvres travailleurs qui sont obligés de descendre dans la rue pour défendre leurs droits !

La mère d’Abouh, elle, n’a pas de droits…

On nous assènera le sempiternel radio-trottoir : « Evidemment, ça me gène un peu, mais je les comprends : Ils ont raison de défendre leurs droits… »

La mère d’Abouh, elle, n’a rien à défendre…

Ce n’est certes pas une raison pour ne pas tenter d’améliorer notre propre sort !

Mais peut-être pourrions-nous le faire un peu moins bruyamment ?…

Peut-être pourrions-nous aussi remonter nos manches et travailler tous ensemble, salariés et patrons, pour améliorer le sort de chacun plutôt que, par exemple, de casser toute l’activité économique d’une ville comme Marseille au moment où les chinois sont en train d’aménager leur tête de pont européenne dans le port du Pirée…

Les chinois, après tout, ont bien le droit de nous envahir...

lundi 22 mars 2010

L'Etat peut tuer... les entreprises !

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Le Conseil des Prud’hommes traite des litiges survenus entre salariés et employeurs.

On y voie, bien sûr, les cas extrêmes, ceux où un accord amiable n’a pas été possible et où l’intervention de la Justice est devenue nécessaire.

On y voie aussi parfois comment une troisième partie, en l’occurrence l’Etat, peut, par négligence ou même par bêtise, mettre une entreprise dans les plus grandes difficultés…

Voici deux cas récents et malheureusement bien réels (Les noms ont été changés, bien sûr) :

M. Dupont, salarié de la Société Andco depuis 25 ans, est déclaré inapte le 25 avril 2007 par le Médecin du travail ; l’entreprise, après avoir examiné les possibilités de reclassement comme la loi l’y oblige, est finalement contrainte de procéder au licenciement de M. Dupont.

Celui-ci étant délégué syndical, le licenciement est soumis à l’accord préalable de l’Inspecteur du travail qui, très rapidement, donne son autorisation au licenciement. M. Dupont quitte l’entreprise le 15 juin 2007 pour s’inscrire aux Assédic et dépose un recours auprès du Tribunal Administratif pour contester la décision de l’Inspecteur du travail !

Le temps passe… M. Dupont « s’installe » dans sa nouvelle situation et l’employeur oublie cette malheureuse affaire…

Quand soudain, le 13 octobre 2009, soit plus de deux ans après le licenciement, le Tribunal administratif rend un jugement donnant tord à l’Inspecteur du travail et annule la décision de celui-ci.

Conséquence immédiate et incontournable : Le licenciement est annulé et le salarié réintégré dans l’entreprise. Celle-ci doit lui payer les 31 mois de salaire depuis la date du licenciement, ce qui représente dans le cas précis 31.960 € + 15.355 € de charges sociales, moins les indemnités perçues par le salarié que celui-ci rembourse.

La société Andco compte près de 100 salariés et, quelle chance pour les autres salariés, cette décision ne sera pas mortelle pour elle ! Seulement « désagréable » !

Mais le pire est à venir : M. Dupont est inscrit dans les effectifs de l’entreprise (même s’il n’y est pas retourné physiquement), laquelle le paye consciencieusement tous les mois alors qu’il ne travaille pas (Je n’ose pas imaginer que ce puisse être un des moyens utilisés par l’Etat pour combler le déficit de l’assurance-chômage)

Le licenciement est devenu impossible, de fait, et l’entreprise doit continuer à payer le salaire de M. Dupont chaque mois…

Bien sûr, elle a fait appel du jugement du Tribunal administratif !

Elle espère une décision dans quelques années…




Deuxième cas :

Mlle Duval, esthéticienne, âgée de 25 ans, en délicatesse, pour des raisons très floues, avec son employeur, le Salon Tébel, obtient du médecin du travail un avis d’arrêt du travail ainsi rédigé :

« Inapte définitivement au poste d’esthéticienne dans l’entreprise selon l’article R 4624-31 du Code du Travail.
Apte au même poste dans une autre entreprise
».

Elle cesse son travail immédiatement, se déclare licenciée aux tord de l’employeur (la loi le permet et le Conseil des Prud’hommes en jugera) et s’empresse de proposer ses services à domicile aux clientes du salon Tébel.

Même si l’on peut se poser des questions morales quant à cette situation, en termes de macro-économie, c’est une opération blanche : Si le salon Tébel ferme ses portes et que le besoin existe, Mlle Duval créera son entreprise et tout rentrera dans l’ordre… économique !

Simple dommage collatéral !

Sauf qu’on n’a jamais expliqué à la propriétaire du Salon Tébel les fondements de la macro-économie…

Mais le plus inquiétant, dans cette affaire, c’est de constater l’irresponsabilité, pour ne pas dire la bêtise, de certains (pas tous, heureusement !) médecins du travail et de penser qu’un jeune, un peu trop gâté par ses parents, peut aujourd’hui, après une première expérience professionnelle un peu difficile (Elles le sont toujours pour les enfants mal préparés) se faire « porter pâle » et renoncer très rapidement à se battre et à s’imposer dans l’emploi… et dans la vie…

Commencer par un échec et être conforté dans cette situation par un médecin du travail augure mal de l’avenir !

« Un homme peut tomber très souvent et se relever tout aussi souvent ; il ne devient vraiment un raté que le jour où il se met à dire qu’on l’a poussé ! »

Et quand c’est le médecin du travail qui le dit…



samedi 13 mars 2010

Bonaparte, chef d'entreprise...

Des entreprises, il en a menées de nombreuses ! Et chef, il l'était, c'est une évidence !

1796 : Pont d'Arcole

Le symbôle du régiment bien en main, il harangue ses troupes et les mène au combat ; la victoire est certaine tant leur foi est grande face au professionnalisme désuet des mercenaires autrichiens.

1996 :

La guerre a changé d'allure : Elle est devenue économique. L'ennemi n'est plus autrichien, mais multinational

Bonaparte 12, arrière, arrière... petit neveu du premier est aussi chef d'entreprise. Il ne harangue plus ses troupes, il les motive ; et pour s'assurer le succès, il fait de la qualité ! Conforté par celle-ci, il montre l'exemple, comme son ancêtre, et se prépare à mener un dur combat.

Mais son délégué syndical le prévient : Nous ne marcherons pas plus de sept heures ! Débrouillez-vous comme vous voulez, mais nous ne ferons pas de supplément !

L'inspecteur du travail, assis sur le parapet, confirme : Je comprends bien qu'il vous soit difficile d'agir sans être assuré du soutien de vos hommes, mais que voulez-vous, la loi, c'est la loi !

Les magistrats, un peu en arrière, tempêtent : La jurisprudence ne vous est pas favorable !

Le choeur des banquiers, qui garde l'entrée du pont, refuse de financer l'opération si on ne lui assure pas que la victoire est certaine. Sauf, éventuellement, à prendre quelques garanties sur les biens personnels du chef d'entreprise...

Pendant ce temps, à l'arrière, les fonctionnaires font des études prospectives pour s'interroger sur l'opportunité d'augmenter le salaire minimum.

Et les politiques, du haut de la colline qui surplombe le pont, crient à Bonaparte 12 qu'ils comptent sur lui pour créer des emplois !

Les chômeurs, enfin, de l'autre côté de la colline, attendent, attendent, attendent...

vendredi 12 mars 2010

Le Travail

par Max Richiéro


"Tout travail travaille à faire un Homme en même temps qu'une chose"(E. Mounier)

De l'esclave, homme, femme ou enfant que l'on asservit jusqu'à son extinction physique à celui qui, volontaire dans l'effort, s'enrichit de sa réussite, pour tous, le travail est la base de l'existence. Tous sont dans la crainte de perdre leurs sources de revenus et dans l'angoisse de se retrouver un jour face au vide de l'inactivité professionnelle. Privés d'activité, certains d'entre nous ont vu leur santé rapidement s'altérer. Cette réalité mit en évidence une nécessité bien plus profonde que celle du simple besoin de produire pour se nourrir. Dans le même sens, les allocations versées sans contrepartie d'un travail installent souvent la population bénéficiaire dans une mentalité d'assisté.

La dégradation morale éprouvée par de nombreux chômeurs de longue durée, la déchéance qui fréquemment l'accompagne révèlent l'importance des vertus éducatives du travail dans la construction humaine.

La vie nous place en permanence devant des obstacles à vaincre et des réalités dont la compréhension nous dépasse. Elle se "plaît" à nous rendre conscients de notre impuissance et de notre ignorance créant ainsi le manque que nous voulons combler.

Les obstacles à vaincre nous conduisent naturellement à faire. Par l'acte, l'individu tend à dominer l'obstacle pour assurer sa survie physique d'abord, puis affective, intellectuelle et, ce qui est inséparable, économique.

Les réalités qui nous dépassent défient notre intelligence. Notre intelligence tente de comprendre pour ne pas subir. Mais ce que l'intelligence réflexive ne peut cerner au détour de ses analyses ne peut être saisi que par l'Eveil. L'Eveil, c'est l'attention attirée par une réalité jusqu'ici banale et qui, tout à coup, se révèle comme une vérité profonde. Il a pour stimulants le symbole, le mythe, l'allégorie et aussi l'expérience éprouvée. Les premiers révèlent les vérités essentielles par le biais du merveilleux, l'expérience éprouvée révèle les réalités profondes par l'épreuve ressentie. Tandis que l'expérience fait éprouver la sensation, le symbole, le mythe et l'allégorie enseignent la signification profonde de l'expérience vécue. L'éveil rend sensible ce qui ne l'était pas. L'intelligence réflexive ainsi nourrie des données peut alors disséquer, analyser, déduire et finalement mémoriser (fixer). C'est LE mécanisme puissant d'évolution de la conscience humaine !

Notre vieille culture porte profondément ancrée un florilège de symboles, de mythes et d'allégories qui n'ont plus ni date, ni lieu de naissance et le mot "travail" est chargé de significations bien différentes de celle que lui donne le sens courant :

Le travail désignait autrefois un instrument de torture destiné à extorquer les aveux des suppliciés. Il désigne aussi un dispositif pour immobiliser les animaux ou pour ferrer les chevaux et les boeufs. Dans notre imagerie, l'animal sauvage est le symbole des forces instinctives ; ferrer l'animal est le signe de la domestication de la bête. La souffrance indique l'effort à fournir pour parvenir à la maîtrise des forces primitives en nous. Il faut en effet au novice de longues années d'apprentissage parsemées de difficultés et d'échecs pour acquérir la maîtrise du geste, la simplicité du mouvement, la pensée claire qui donnent l'impression de facilité, le coup de main sûr qui réussit la pièce, le mot juste qui communique l'idée précise. J'ai toujours pensé que l'apprentissage de l'écriture constituait pour le jeune enfant non une activité intellectuelle mais plutôt un apprentissage par le travail manuel : Ce qu'il faut de patience, d'application et d'efforts pour calligraphier la lettre, tracer d'interminables lignes de a ou de b, former le plein ou le délié, l'arabesque de la boucle, aligner le point sur le i ou le j. Combien d'efforts et de souffrances pour supporter ce porte-plume qui longtemps après laisse son empreinte sur le petit doigt maculé d'encre ? Il faut du temps pour imiter le maître, pour dompter le mouvement incontrôlé qui fait dépasser le trait. La maîtrise vient avec l'expérience sans cesse recommencée qui soumet le muscle et coordonne le geste et la pensée.

La maîtrise est intérieure. Le fruit de l'acte - le produit - témoigne par sa qualité du degré de maîtrise de l'opérateur. Le travail est le lien. Par le travail, l'intérieur et l'extérieur de l'homme se répondent. C'est pourquoi il est dit que :

"La maîtrise des espaces extérieurs

dépend de la maîtrise des espaces intérieurs"

Enfin, on nomme "travail" l'activité de la femme en couche par laquelle elle se délivre en donnant naissance à l'enfant, au Fils de l'Homme. Cette idée est chère à toutes les sagesses du monde. La femme en couche amène l'enfant au jour comme le travail ouvre la conscience à la lumière. Ainsi

J'appelle "travail" l'ensemble des actes

qui conduisent au progrès,

à la maîtrise des savoir-faire,

au développement de l'intelligence,

à l'éveil de la conscience.

Le travail est un acte rémunéré !


Les prix reçus en retour sont le salaire et la joie !

Le salaire a pour but l'entretien de l'existence,

la joie révèle la satisfaction des besoins supérieurs

de l'émancipation humaine

Le travail est destructeur lorsque la joie est absente !

Le travail est toujours associé à l'effort, et l'effort est le prix à payer. Le travail confronte l'homme au rythme, à la pesanteur des choses. Il imprime sa marque, inculque la rigueur et la discipline. Le projet ne devient pas une réalisation si les règles ne sont pas respectées. La matière ne se laisse pas transformer par qui ne connait pas ses lois. Pour marquer, l'expérience doit avoir quelque chose de vital sinon elle est tout au plus un souvenir qui s'estompe. L'épreuve surmontée fait découvrir de nouvelles sensations, des ressources jusqu'ici ignorées en soi.

L'acte donne la mesure de l'homme,

l'étalonne, apprécie sa qualité

et l'affranchit par la difficulté vaincue.

Ne dit-on pas d'une personne malhabile qu'elle est gauche ou empruntée ? Empruntée, c'est-à-dire prêtée, comme si elle vivait par procuration, en absence totale d'autonomie.

La vie n'a pas pour destin de s'épanouir dans la science ou la technologie pas plus qu'elle ne s'épanouit dans la production d'automobiles ou d'objets divers. Je crois que le travail sous toutes ses formes n'a d'autre finalité que l'émancipation humaine. C'est le Sens de la Vie humaine, le travail en est l'instrument.

Dans notre société industrielle, l'entreprise est le principal champ d'application du travail. Ce qui est qualité dans la production répond en un cercle vertueux de progrès à ce qui est recherche, consciente ou inconsciente, de perfection en l'homme. Lorsque l'individu devient conscient de ce mécanisme, il y a motivation. La motivation est une réponse humaine à la loi d'évolution. Par exemple, la satisfaction du besoin d'élévation personnelle répond, comme en écho, à la satisfaction des besoins du marché de même que "l'économie" de la pensée répond dans l'entreprise au plus bas prix de revient... C'est pourquoi :

La qualité est qualifiante

Les systèmes de motivation fondés sur des satisfactions matérielles, extérieures, l'argent par exemple, n'ont en général qu'une durée éphémère et des effets sans lendemains car ils répondent à des besoins superficiels, vite comblés jusqu'à une prochaine envie. L'absence de motivation ne reflète bien souvent que l'incapacité des équipes dirigeantes à s'élever elles-mêmes au-dessus de l'horizon stérilisant de la production quotidienne et par là, incapables de transmettre l'élan à ceux qui réalisent cette production. Qu'elles s'inquiètent ! En économie de production, l'impact humain est faible, le processus fait la performance. Mais en économie de marché, grande consommatrice d'innovations où l'environnement est instable, l'impact humain est déterminant sur la performance. La compétence est liée au savoir, et le savoir à l'ouverture de la pensée, à la capacité à assimiler, à la sensibilité. Par le travail, l'homme est amené à vivre une expérience qui l'enrichit et le transforme.

La performance, c'est 80 % de savoir être et 20 % de savoir faire

La recherche du Sens et les discours sur les valeurs sont des signes révélateurs de la tendance évoquée. La vision stratégique va de pair avec l'aptitude à communiquer aux hommes des objectifs nobles sans lesquels la stratégie ne trouve pas d'artisans pour la faire aboutir.

Pour éclairer les hommes, il faut leur être supérieur,

non en pouvoir, mais en élévation

Avec ceux qui ont assimilé cette réalité de l'homme révélé par ses réalisations, quelque soit leur place dans la hiérarchie, l'entreprise progresse. Ceux-là, fais en des instructeurs !

Ceux qui, à des degrés divers, ont compris mais n'ont pas assimilé, ceux-là, fais leur éprouver, entraîne les dans l'action.

Ceux qui sont encore endormis, éveille les, éduque les et sois patient.

Pour tous, libère les forces émancipatrices en donnant du pouvoir et des espaces de liberté et d'initiative pour l'exercer.

Avec tous, ordonne, harmonise et sers ; travaille à réaliser l'objectif économique.

De mes premières activités professionnelles comme travailleur manuel, je conserve une approche partique des choses. Ma pensée ne s'alimente pas de concepts mais se nourrit des faits, de l'acte accompli, de l'observation de la nature dans ses oeuvres. L'acte implique le choix, et le choix, l'abandon d'autres possibles. On ne peut pas faire une chose et autre chose en même temps. L'acte est exclusif et ne supporte pas le partage.

J'ai souvent constaté que la pensée conceptuelle pouvait avec une égale rigueur, amplifier, réduire, relativiser, banaliser le fait selon son humeur ou l'objet de sa quête. Elle est capable de bondir et de rebondir d'hypothèses en suppositions, s'alimentant elle-même pour produire des concepts sans rapport avec l'expérience vécue, pour balayer tous azimuts ce qu'elle appelle le champs des possibles. C'est pourquoi il est quelquefois difficile à la pensée conceptuelle d'aboutir à l'acte.

La pensée longuement maturée s'ancre comme une vérité. J'ai fréquemment observé qu'il était plus facile de changer ses pratiques que de changer d'idées. De toutes les activités humaines, je place l'activité manuelle à un très haut niveau pour ses vertus éducatives : "L'homme est intelligent parce qu'il a une main !" (Anaxagore). Les "gens du métier", dont l'idéal est la promotion de l'homme par le travail, l'ont bien compris. Ils ont su donner un Sens au travail en associant l'amour du travail bien fait à la recherche de perfection intérieure, observant que la maîtrise de la matière dont la forme évolue sous la main experte du maître-ouvrier est inséparable du progrès de l'Ame humaine. "Entre le coeur et la tête, il y a la main'. Révélatrices de leur hautes qualités morales, leurs oeuvres impérissables ont couvert notre sol de richesses.

L'évolution de l'espèce humaine participe du processus de l'évolution universelle, moteur de toute activité. Le mouvement est le propre de la nature ; c'est pourquoi l'activité, quelle qu'elle soit, est le propre de l'homme et le travail lui est aussi nécessaire que l'air qu'il respire est nécessaire à sa vie.

Sous l'influence de l'industrie naissante depuis le 19ème siècle, nous n'avons donné du travail qu'une définition "manufacturière" à finalité strictement économique. Du même coup, nous nous sommes coupés d'une réalité humaine beaucoup plus profonde et plus prometteuse de richesses. La performance, la productivité, la conquête de parts de marché ne peuvent être des objectifs durables ; ce sont des conséquences ! Pour répondre aux exigences de notre temps, le management doit s'ouvrir au travail émancipateur. C'est en définitive la seule manière et la plus efficace pour libérer les forces créatrices et les forces de progrès dont nous avons besoin. C'est l'apanage des vieilles nations que de disposer d'un fonds culturel inépuisables de nouveautés. La pression concurrentielle nous conduit à hisser le management humain à un niveau inconnu jusqu'ici. Les impératifs de la performance économique rejoignent aujourd'hui les sentiers de l'émancipation humaine : La compétence est liée à l'aptitude à réfléchir et à la capacité à engranger et à assimiler le savoir, la motivation est la conscience d'être animé de l'intérieur. L'une et l'autre sont des aptitudes intrinsèques de l'homme.

La performance résulte de cette alchimie.